Mission de l’Esprit-Saint

Les données contenues dans cette fiche ont été recueillies lors d’une recherche documentaire menée à l’été 2019 par Stéphanie Audet.

Autres appellations

Mission ; MES ; Mission of the Holy Spirit.

Fondateur

Eugène Richer dit La Flèche (1871 — 1925), appelé ERL ou le Maître.

Groupes d’inspiration

Chrétienne

Objectifs/Mission

  • Propager le message et les révélations de l’Esprit-Saint incarné dans Eugène Richer.
  • Régénérer l’humanité par l’eugénisme.
  • Bénir et purifier l’utérus de la femme.
  • Assurer la réincarnation des âmes supérieures et la naissance des Enfants de Dieu.
  • Préserver les valeurs familiales traditionnelles.
  • Préparer les membres à l’arrivée de l’Armageddon.

Présence

St-Paul de Joliette, Lavaltrie, Montréal, Los Angeles.

Nombre approximatif de membres

515 au Canada selon le recensement de 2011.

Description générale

Bref historique

La Mission de l’Esprit-Saint (MES) a pris forme au sein d’un autre cercle qui existait à cette époque à Montréal, celui de Notre-Dame du Sacré-Cœur de la Régénération (NDSCR)[1]. Ce groupe répandait la dévotion à Notre-Dame du Sacré-Cœur, une pratique catholique particulièrement répandue dans le Québec du début du xxe siècle, mais avec une insistance sur la notion de régénération ou de renouvellement du monde par le Sacré-Cœur et la Vierge Marie. NDSCR était un mouvement dans lequel se sont impliqués deux frères : Israël et Eugène Richer. Ces derniers étaient alors connus pour avoir des expériences mystiques et spirituelles particulières. Ce fut lors d’une vision qu’Israël Richer reçut sa première mission : celle de créer un nouveau sacrement et un nouvel ordre chrétien pour la bénédiction des enfants dès leur conception dans l’utérus et la régénération des mères. Israël voyagea à Rome pour exposer le message qu’il avait reçu et la mission qui lui avait été confiée, mais sa demande fut rejetée par l’Église catholique.

Quelques années avant le retour d’Israël à Montréal, Eugène Richer dit La Flèche (ERL) avait reçu une vision de la Vierge Marie. Il était alors accompagné de deux témoins qui vécurent la même expérience visionnaire que lui. Cette vision le consacrait en tant qu’incarnation de l’Esprit-Saint sur terre. Il avait pour mission d’assurer la pureté et la bénédiction des utérus des mères en vue de la régénération de l’humanité. Au retour d’Israël, en 1915, les deux frères se séparèrent : Israël Richer restait fidèle à l’Église catholique tandis qu’Eugène Richer s’en écartait. Il y eut alors un premier schisme au sein des disciples qui suivaient les frères dans leurs expériences mystiques. Eugène fonda la Mission de l’Esprit-Saint et regroupa autour de lui les fidèles qui le considéraient comme l’incarnation de l’Esprit-Saint. Entre 1913 et 1917, Eugène Richer aurait accompli de nombreux miracles, ce qui explique l’engagement de beaucoup de membres à sa suite. L’appellation « dit La Flèche » connoterait la présence en lui de l’Esprit-Saint. La plupart des membres du mouvement le nommentle « Maître » ou ERL.

Au début des années 1920, le groupe se déplaça vers Adamsville au Rhode Island. Ce déplacement fut causé par des persécutions de l’Église catholique à l’endroit du groupe. Grâce au support d’une veuve du nom d’Armandine Godard, ERL fit l’acquisition de plusieurs acres de terre, entre autres la Goat Island non loin d’Adamsville au Rhode Island. Un Temple y fut inauguré en 1922. C’est à cet endroit que les principales doctrines du mouvement ont été développées et qu’a été écrit Le Questionnaire, un livre que la MES considère comme un catéchisme. Toutefois, en 1923, le fondateur était accusé de fraude et dut prendre la fuite vers Los Angeles pour échapper à un procès qu’il jugeait partial. Alors qu’un second membre resté à Adamsville était arrêté pour fraude, la MES décida derejoindre le Maître à Los Angeles. C’est là que le groupe s’installa tout autour du « Hall » où se réunissait l’assemblée des membres de façon à former une sorte de quartier. Ce Hall est toujours en fonction aujourd’hui. ERL mourra à Los Angeles en 1925.

Ce fut Gustave Robitaille (GR), un membre dynamique de la Mission, qui reprit en mains le mouvement. De son vivant, ERL lui avait donné le titre de « Prince » de la Mission. Le Maître lui aurait, dit-on, confié sa succession en prononçant les mots : « ce sera moi, à travers toi ». Les membres comprirent alors que GR devenait ainsi le successeur spirituel de celui qui incarnait pour eux la présence de l’Esprit-Saint. GR joua d’ailleurs un rôle important dans l’élaboration de la doctrine théologique du groupe.Il était un bon orateur et un musicien. Il composa de nombreux hymnes (plus de 200), principalement utilisés lors des assemblées du groupe. Néanmoins, son autorité fut remise en cause à l’occasion de problèmes matrimoniaux. Les conflits provoqués par son second mariage menèrent la MES à un schisme qui se produisit en 1940. Joseph-Marie Haché, qui, à cause de ses liens avec ERL, avait un grand ascendant sur le groupe, fonda alors  une congrégation distincte avec quatorze autres Serviteurs. Il semble s’être installé d’abord sur la rue Papineau à Montréal. Toutefois, quatre Serviteurs et une cinquantaine de membres rompirent avec le groupe et s’installèrent à Lavaltrie où l’autorité de GR ne prévalait pas autant que dans les autres groupes. La congrégation de GR demeura à Montréal et, au début des années 1960, le Hallde la mission de celui qu’on surnommait le Prince réunissait environ 4500 membres. GR dirige le groupe jusqu’à sa mort en 1965, soit pendant 34 ans. Il laisse alors la responsabilité de la MES à 29 Serviteurs.

La MES vécut un épisode prophétique et eschatologique dans les années 1970. Un des fils de GR, Emmanuel Robitaille, était considéré comme médium : il disait recevoir en rêve des messages de son père. Ces messages annonçaient principalement que la fin du monde surviendrait très prochainement, soit en l’année 1974. La prophétie eschatologique, appelée « l’Avertissement », fut entérinée par le « Conseil des Serviteurs » et révélée aux membres durant l’année 1973. Les fidèles furent alors appelés à se préparer à la « Grande Guerre » en amassant de la nourriture et des biens de première nécessité. On pensait que cette Armageddon prendrait la forme d’une Troisième Guerre mondiale opposant les « jaunes » aux « blancs ». À Oka, un refuge appelé « le Trou » fut construit, que l’on remplit de nourriture et qui fut équipé de purificateurs d’air et d’eau. Il s’agissait en quelque sorte d’une « Arche de Noé ». L’agitation eschatologique augmenta en 1974 quand les Serviteurs publièrent des communiqués informant les membres des différents groupes des visions d’Emmanuel Robitaille. Ces messages prirent de plus en plus la forme de condamnation de certains membres et exhortaient les fidèles à couper tout contact avec la société séculière. On demanda aux membres de ne plus se réunir au Hallde Montréal et on le ferma. Au printemps 1975, comme la fin des temps telle qu’annoncée ne se produisait pas, plusieurs personnes quittèrent la MES. Plus de 1200 membres de la MES rejoignirent les Témoins de Jéhovah, en particulier le prophète Emmanuel Robitaille. Parmi les fidèles restés au sein de la MES, certains suivirent le Serviteur Gilles Francoeur qui relocalisa le Hallà Saint-Paul-de-Joliette. Deux Serviteurs ouvrirent de nouveau le Hallà Montréal sur la rue Everett. Cette congrégation continue de suivre les enseignements d’ERL et de GR. Un groupe s’est aussi reformé à Montréal, en marge de la congrégation principale, sous l’autorité du Serviteur La Flèche Blondin. Le groupe de Lavaltrie est demeuré ouvert et entretient des liens avec la Mission de Los Angeles.

Convictions fondamentales des membres

L’un des points doctrinaux dominants de la Mission de l’Esprit-Saint est la croyance qu’Eugène Richer dit La Flèche était l’incarnation terrestre de l’Esprit-Saint. Les membres croient en la Sainte Trinité et en l’incarnation de chaque personne de la Trinité en un être historique qui représente le début d’une ère spécifique. La première ère dura 4 000 ans et elle fut présidée par la première incarnation du Père en Jéhovah chez les juifs. Il y eut ensuite la deuxième incarnation, celle du Fils en la personne de Jésus de Nazareth. Son ère se termina le 17 avril 1871, lors de la naissance d’Eugène Richer. C’est en lui que s’incarna l’Esprit-Saint et c’est avec lui que commence la troisième ère. Les membres de la MES ont donc une conception particulière de la chronologie : ils calculent l’année en fonction de la naissance d’Eugène Richer. En 2019, nous sommes donc en l’an 148 ERL.

Selon la théologie de la MES, Dieu est bon et puissant, il est le créateur de l’univers. Le monde terrestre a été créé afin de contenir certaines âmes en particulier : celles des anges déchus qui ont perdu au ciel la Première Grande Guerre opposant Lucifer et les armées de Dieu. C’est pour les punir de leur désobéissance que ces anges se sont incarnés sur terre. L’être humain, comme tous les autres êtres, est un réceptacle matériel destinée à recevoir ces âmes en transmigration. Cette forme de réincarnation obéit à une hiérarchisation. Les esprits élevés se réincarnent dans des humains tandis que les esprits faibles ou mauvais transmigrent dans la vermine par exemple, des êtres inférieurs où l’on aboutit au terme d’une métempsychose. Dans ce cadre théologique, le plan terrestre dans lequel vivent les humains constitue l’Enfer. La punition ultime pour une âme serait d’être laissée sans corps et d’errer indéfiniment.

Tous les membres des différentes assemblées croient en la « Consécration ». Il s’agit d’un événement précis, celui où la Vierge Marie est apparue à ERL, devant deux témoins, pour lui annoncer qu’il était l’incarnation de l’Esprit-Saint. Ce fut aussi à ce moment qu’ERL reçut sa mission : s’assurer de la bénédiction des utérus des femmes afin de garantir la transmigration des âmes dignes dans l’embryon. Cet événement est considéré comme l’équivalent de la Consécrationde Marie, alors enceinte de Jésus,par l’intermédiaire de l’archange Gabriel. L’archange aurait alors béni l’utérus de Marie afin de lui permettre d’accueillir l’esprit de Jésus, un Enfant de Dieu, un exemple parfait d’humanité. Toutefois, la christologie de la MES rejette la conception virginale de Jésus de même que l’Immaculée Conception.

La mission qui a été donnée à ERL, et ensuite au groupe, est donc de préparer le corps de la femme, plus précisément son utérus, à recevoir des esprits plus élevés. En recevant des esprits élevés, l’humain se rapproche toujours de plus en plus de l’être parfait, l’Enfant de Dieu. C’est ainsi que ce groupe interprète l’eugénisme : il s’agit de l’amélioration des êtres humains par la bénédiction des femmes enceintes, par l’assurance que les enfants à naître jouiront d’une santé spirituelle et matérielle, tout ceci étant possible grâce à la pérennité des rituels qu’on y enseigne. La « régénération de l’humanité par l’eugénisme » sert à mettre un terme aux problèmes du mal et des maladies causés par la chute des anges. Cette régénération sert aussi à préparer l’humanité pour la fin des temps. Les Enfants de Dieu prennent en effet une place centrale dans les attentes eschatologiques du groupe. Ces Enfants feront partie des 144 000 justes sauvés lors de la fin de temps (Apocalypse 7, 4 ; 14, 1-3). Les enfants des membres de la MES ne fréquentent donc pas les écoles publiques, car ils ne doivent pas corrompre leur pureté et s’assimiler à la société que le groupe condamne. Les mères font l’école à la maison ou bien les enfants fréquentent une école spécifique à la MES. Selon les membres, le bon comportement des enfants de la MES est une preuve de l’efficacité de leurs exercices spirituels. Outre le résultat spirituel, les membres croient à une amélioration de la condition physique de l’enfant.

La reproduction étant au centre des préoccupations du groupe, les genres y sont solidement définis et régulés. Le genre féminin a deux facettes. D’une part, selon la théologie religieuse et sociale de la Mission, la mère joue un rôle essentiel. La femme est extrêmement vénérée, car elle est seule à pouvoir engendrer la vie et elle est l’avenir de l’humanité. D’autre part, les membres entretiennent une peur et un ressentiment profond envers la femme du fait que, selon la Genèse, elle est l’origine du mal. Néanmoins, grâce à la bénédiction de l’utérus, toutes les imperfections du corps et de l’âme de la femme peuvent être complètement effacées. Elle peut alors recevoir des âmes élevées. Le rôle de la femme est en conséquence fortement traditionnel : elle doit mettre au monde et s’occuper du foyer. Elle doit avoir beaucoup d’enfants pour assurer l’eugénisme de l’humanité. Il est préférable qu’elle demeure à la maison pour sa propre protection. Certaines femmes travaillent en dehors de la maison, mais ces femmes sont alors stigmatisées au sein du groupe. Le rôle de l’homme est aussi très traditionnel. Il entretient le foyer par son travail et il est le surveillant de la famille. Ses seules obligations sont de s’abstenir d’alcool pendant la période de reproduction et de s’assurer que rien ne vienne perturber sa femme pendant sa grossesse. Il ne peut coucher qu’avec une seule femme, car l’adultère rendrait les enfants plus faibles. La reproduction étant très importante, l’utilisation de moyens de contraception ou de l’avortement est prohibé.

La cosmologie religieuse de la Mission a été développée par Gustave Robitaille, celui qu’on surnomme le Prince. Selon celle-ci, il n’y a pas d’espace et il n’y a pas d’autres planètes. Il s’agit simplement d’illusions d’optique. Il n’y a que le plan terrestre qui constitue le monde de Lucifer. La forme que prend ce monde terrestre reste assez confuse et peut varier selon les différents écrits. Ce qui revient le plus souvent est la conception d’un plan terrestre en forme de poire. La partie la plus étroite étant les flammes de l’enfer, le soleil n’est que le reflet de ces flammes. Il s’agit là de la vision développée par GR. Il est important de mentionner qu’il existe des interprétations divergentes à l’intérieur même des différentes assemblées de la Mission. Cette cosmologie est parfois considérée comme une représentation réaliste du monde, quoique certains membres la considèrent seulement comme une allégorie.

En raison du rejet de la Mission par l’Église catholique, une grande part de la doctrine de la Mission s’inscrit dans un contexte d’opposition à la religion catholique. Cette opposition revient constamment dans Les Documentsde la MES. L’Église catholique est le contre-exemple par excellence. On l’associe souvent au soleil et à Lucifer. Cette doctrine est justifiée par un texte de l’Évangile de Matthieu (23, 13) qui dit : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer ». ERL a été rejeté par l’Église catholique comme Jésus a été refusé par les autorités juives. Les rituels de l’Église catholique sont considérés comme des suggestions de Lucifer et de fausses cérémonies. La MES rejette donc l’Eucharistie et pratique ses rituels dans un dépouillement matériel presque total. La parole et l’imposition des mains sont considérés comme des objets rituels.

Structure et organisation

 Les autorités religieuses reçoivent le titre de « Serviteurs » et sont de sexe masculin. Les devoirs des Serviteurs ont été compilés en 1952 dans un document intitulé The Agreements Between Servants. Ces Serviteurs doivent principalement assurer le maintien des rituels et être des leaders empreints de sagesse pour la communauté. Ils peuvent parfois se réunir en Conseil pour délibérer sur des questions religieuses. Les Serviteurs perpétuent les rites de bénédiction de l’utérus et de régénération de l’humanité. Pour les fidèles, les Serviteurs représentent ceux qui soignent le monde par les mains de Dieu. À part les tâches qui relèvent de ces fonctions, ils ont les mêmes responsabilités que les autres membres. Les nouveaux Serviteurs étaient choisis et ordonnés par Eugène Richer dit La Flèche et Gustave Robitaille. La mort de GR a amené plusieurs groupes à se demander à qui revenait le droit d’ordonner de nouveaux Serviteurs. Les anciens Serviteurs du groupe de Lavaltrie, qui s’éloigna des enseignements de GR, ordonnent les nouveaux Serviteurs. Le groupe de St-Paul de Joliette et celui de la rue Everett à Montréal vivent une crise sacerdotale. Ces deux groupes pensent que les Serviteurs ne peuvent être ordonnés que par l’Esprit-Saint ou son représentant terrestre. Il y a donc de moins en moins de Serviteurs dans ces groupes et le sacerdoce est en quelque sorte délaissé.

Le groupe, resté fidèle à l’esprit du catholicisme, utilise les écrits bibliques, mais les interprète en fonction de sa propre littérature religieuse. L’Apocalypse de Jeansemble toutefois occuper une place particulière. La liturgie propre à la Mission de l’Esprit-Saint est fondée sur différents ouvrages, écrits les uns par le Maître, les autres par le Prince. Dans les écrits du Maître, Les Documentsforment le corpus central. Il est composé des 165 lettres d’ERL adressées à ses amis et fidèles. Gustave Robitaille a par la suite utilisé ces lettres et ses relations rapprochées avec le Maître pour développer la théologie de la Mission. Il l’a codifiée dans son livre Les Propos en 1918. GR a ensuite écrit le livre Règne de Soleil et de Lunedans lequel il développe la cosmologie de la Mission. GR a aussi légué à la Mission Les témoignagesoù il recense ses expériences auprès du Maître. Enfin, les chansons écrites par GR, « les Hymnes », sont conservées dans un livre appelé Les Cantiques. L’importance reconnue à ces œuvres et l’autorité qu’on leur accorde dépendent fortement du jugement de la congrégation. Les œuvres produites par GR ne font pas l’unanimité. À Lavaltrie, elles ont beaucoup moins d’autorité que dans les autres groupes.

Le lieu de rassemblement du groupe est appelé le « Hall ». S’y tiennent les « assemblées » des membres et les rituels. Elles ont lieu les vendredi, samedi ou dimanche, une à trois fois par semaine, selon les groupes. L’assemblée est importante dans l’idéologie du groupe. C’est le moment où la communauté s’unit et où le culte est célébré. Au début et à la fin de l’assemblée, les membres prononcent une prière qui a de fortes colorations catholiques. On y mentionne la Sainte Trinité, mais avec l’incarnation d’ERL comme Esprit-Saint. Après une prière d’introduction, les membres s’assoient et écoutent des discours. Les orateurs sont toujours des hommes : n’importe quel homme qui se sent appelé peut parler. C’est la seule limite imposée à l’assemblée. Néanmoins, le groupe de St-Paul de Joliette exige une formation formelle pour la préparation des discours et un membre ne peut parler que s’il a fait la préparation requise. Il n’y a pas d’objet rituel. La parole est considérée comme le réceptacle du sacré. Beaucoup de formulations liturgiques d’inspiration chrétienne sont utilisées. Les discours terminés, il y a une période de questions qui permet aux femmes de s’exprimer. Elles utilisent souvent ce moment pour exposer leurs réflexions théologiques à l’assemblée. Enfin, à la clôture du service, il y a un partage de témoignages entre les membres de la MES. Durant ce culte, la musique est importante et très populaire. Elle s’inspire des chansons des années 1950 et reprend les thèmes théologiques fondamentaux pour le groupe. Les membres croient que de nombreuses guérisons, tant physiques que spirituelles, ont lieu lors des assemblées.

Les rituels sont toujours assez simples et sans supports matériels. La MES connaît quatre rituels : la cérémonie d’adhésion, le mariage, la consécration de l’utérus et l’imposition des mains. N’importe quelle personne, convaincue par la mission du groupe et prête à adhérer à ses croyances, peut faire partie de la MES. La consécration d’un nouveau membre s’appelle la cérémonie d’adhésion. Ce rituel a été créé par le Maître. Le nouveau membre doit se rendre à l’assemblée et se présenter devant les Serviteurs. Un Serviteur fait alors une prière qui rappelle les péchés de l’humanité et demande à Dieu de faire entrer le nouveau fidèle dans sa volonté. Suit une forme de communion spirituelle, sans utilisation de support matériel. Après la cérémonie, le membre est pleinement intégré et peut participer à toutes les facettes de la vie de la communauté.

La cérémonie du mariage doit demeurer sobre. Les membres se marient dans des habits certes propres, mais simples. L’essentiel de la journée doit rester la célébration de la liturgie prévue à cet effet. Le couple s’avance devant unServiteurqui fait un discours sur Adam et Ève. Il rappelle le but de la Mission et les objectifs du couple. Les pères des jeunes gens interviennent ensuite. Le Serviteurdemande aux futurs mariés de maintenir ensemble la solidité du couple. Ils répondent en commun par une formule rituelle qui remet le couple dans les mains de l’Esprit-Saint. Les futurs mariés doivent confirmer leur assentiment à la formule des pères en faisant un signe. Ensuite, le couple enchaîne trois déclarations qui expriment leur confiance en la MES. La première déclaration est un acte de foi qui comprend une confirmation de leur adhésion à la Mission et de leur confiance en ER, et une acceptation de leur mission de parents des Enfants de Dieu. La deuxième est une demande à Dieu souvent formulée sous une forme de demande spirituelle. La dernière déclaration prend la forme d’une offrande à Dieu, une offrande de leur propre personne prononcée à l’unisson par le couple. C’est en même temps un acte de dévotion et de foi intense. Dans certaines communautés, après le mariage, une maison est offerte au couple.

Le rituel principal est celui de la bénédiction de l’utérus. Lors de ce rituel, le Serviteur met sa main au-dessus de la tête de la femme et prononce une prière. Cette prière a pour but de purifier l’utérus et bénir la mère. Les membres peuvent à tout moment se faire bénir en allant à la rencontre d’un Serviteur après l’assemblée.

L’imposition des mains est une demande de bénédiction personnelle à un Serviteur. Celui-ci place alors ses mains au-dessus de la tête du fidèle et le bénit. Il suffit d’aller voir un Serviteur après l’assemblée pour lui demander cette bénédiction. Sauf dans le cas de certains membres qui en font la demande, ce rituel n’est pas utilisé régulièrement. Il est plutôt utilisé lors d’événements bouleversants dans la vie d’un fidèle.

Les membres de la Mission célèbrent deux fêtes religieuses : le 25 décembre et le 17 avril. Ces deux journées représentent les deux révélations du travail de Dieu sur terre, soit la naissance de Jésus et la naissance d’ERL. Noël est célébré simplement en utilisant la même liturgie que pour les autres assemblées. Cependant, les discours insistent sur Jésus et le rôle qu’il a joué dans la Mission. Aucune restriction n’empêche les membres d’aller visiter leurs amis et familles à l’extérieur de la MES pour célébrer Noël avec eux. La célébration du 17 avril se compose d’une assemblée d’une journée complète, interdite aux non-membres. Pour la communauté, c’est le début de l’année. Cette cérémonie implique, semble-t-il, des sermons, des chants et l’implication des enfants de façon assidue. Les enfants récitent un abrégé de la théologie de la Mission et doivent démontrer leur connaissance du Questionnaire. Un discours spécial est prononcé par un Serviteur. Cette journée est associée au pardon et à la réaffirmation de la foi pour le maintien de la Mission. Il y a aussi des témoignages de foi et l’exécution de miracles en faveur des fidèles.

En mémoire d’Eugène Richer dit La Flèche, les membres appellent leurs enfants en s’inspirant du nom, prénom ou nom spirituel du fondateur. Au sein des communautés, les prénoms d’Eugène, d’Eugénie, de Richer, Richette, Richère, La Flèche, Fléchanne, Fléchette, Fléchère, etc., sont très courants. Les anniversaires sont fêtés sous forme de réunions de famille.

Les controverses

La Mission de l’Esprit-Saint a fait depuis son existence l’objet de diverses controverses. Ces controverses sont exposées ici dans un but uniquement informatif. Elles ont été documentées par des chercheurs et des médias, les premiers étant souvent plus objectifs que les seconds. Certains documents juridiques peuvent également renseigner le public à leur sujet.

En 1923, Eugène Richer dit La Flèche a été officiellement accusé de fraude par l’un des fidèles du groupe. La réaction de ERL fut de fuir à Los Angeles. Les membres de la MES expliquent cette fuite par l’impossibilité pour leur Maître d’obtenir un procès équitable, l’Église catholique ayant contribué au dossier du plaignant contre ERL. En l’absence de procès, impossible de juger de la culpabilité du fondateur. Cependant, on peut ajouter que, deux années plus tard, un Serviteur de la mission d’Adamsville était reconnu coupable de fraude à l’intérieur du mouvement et condamné à une année de prison. La Mission déménagea alors à Los Angeles.

L’épisode eschatologique des années 1970 a produit des heurts internes et des controverses légales. Au niveau spirituel, les fidèles furent manipulés par ce qu’ils considèrent aujourd’hui comme un faux prophète, Emmanuel Robitaille. Au niveau légal, certains médias ainsi que certains membres indiquent qu’une partie des Serviteurs ont réussi, au moment de la fermeture duHallde Montréal, à liquider les actifs de la Mission et à se faire beaucoup d’argent. L’un des membres du Conseil des Serviteurs, Gilles Francoeur, aurait dû entamer des démarches en justice pour ne pas endosser la responsabilité d’une possible fraude. Il affirme avoir déjà quitté le groupe principal au moment où il contestait l’autorité de la prophétie d’Emmanuel Robitaille et refusait de participer à des rencontres communes avec les Témoins de Jéhovah. Ce sont ces événements qui l’emmenèrent à s’installer à St-Paul de Joliette avec ses propres disciples.

En 1996, la cour supérieure a dû trancher pour retirer des enfants d’une école de la MES. Le juge Georges Audet a dit des enseignements de la MES qu’ils étaient irrespectueux pour les femmes et néfastes pour les enfants. En 2004, six enfants issues de la Mission sont placées par la Cour du Québec sous la responsabilité du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). Leur mère avait quitté son mari et le groupe de la MES. Elle avait de graves problèmes psychologiques, dont un syndrome de stress post-traumatique. Le père continuant de fréquenter la MES, la cour trancha pour le retrait des enfants de leur milieu familial et de la MES puisque les enseignements y étaient jugés nuisibles pour les enfants.

Ladite école de la Mission de Saint-Paul de Joliette n’était alors pas reconnue par le Ministère de l’Éducation, l’école ayant été jugée illégale en 2004 du fait que le personnel n’avait pas de qualification pour enseigner et ne respectait pas les normes pédagogiques. La Cour supérieure trancha en 2007 pour la fermeture officielle de l’école de St-Paul de Joliette. Les enfants de cette école ont ensuite été scolarisés à la maison sous la supervision de la commission scolaire des Samares. En 2009, la ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, manifesta ses préoccupations à l’endroit de l’enseignement qui était dispensé aux enfants de la MES dans leur milieu familial.

En 2016, la MES de St-Paul de Joliette a obtenu un permis du Ministère de l’Éducation pour ouvrir une école privée en toute légalité.Selon la direction de l’établissement, le personnel avait aussi été amélioré : douze enseignants sur les quinze ne feraient pas partie de la communauté de la Mission, ce qui favoriserait le respect du programme pédagogique. Les enfants pourraient bénéficier du même cursus qu’ailleurs. Il leur est ajouté deux séances de prières par jour et l’apprentissage du catéchisme de la MES. Toutefois, en juin 2019, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, décide d’intervenir dans le dossier des écoles illégales et inadéquates. L’école de la MES a alors reçu un avis de non-renouvellement de son permis. Des inspections à cette école ont permis au ministère de constater que le nombre d’enseignants qualifiés était insuffisant étant donné que l’école admettait alors en ses murs beaucoup plus d’élèves que ceux inscrits officiellement.

Certains journaux ont présenté la MES comme imposant aux enfants la croyance selon laquelle que la terre serait plate. Des vérifications faites auprès des membres du groupe montrent qu’une partie des fidèles croient plutôt que la terre est en forme de poire. Une partie des membres croient également en l’astronomie moderne et cela sans tenter de réfuter le point de vue scientifique. Ces derniers considèrent les enseignements religieux de façon allégorique et le groupe ne cherche pas à restreindre leur liberté d’interprétation. Une nouvelle de 2015 a aussi créé un scandale : une famille de la Mission de St-Paul de Joliette a rapporté le virus de la rougeole au Québec. Le groupe a en conséquence rapidement reçu l’étiquette d’« antivaccinaliste ». Des nuances semblent être nécessaires puisque des membres du groupe affirment que la santé naturelle, quoique privilégiée, n’est pas imposée aux fidèles. Néanmoins, en ce qui concerne la santé, en 2017, un acupuncteur, Emmanuel Francoeur, fut reconnu coupable de nombreux chefs d’accusation dont celui de se servir de sa profession « pour faire la promotion de ses croyances religieuses afin de recruter des adeptes au profit de la Mission de l’Esprit-Saint ».

Dans de nombreuses entrevues réalisées auprès d’ex-membres du groupe, il est fait mention de la place des femmes dans le groupe. Les anciens membres expliquent en particulier comment les femmes sont poussées à se marier et à avoir des enfants très jeunes. Il serait donc préférable que les femmes ne fassent pas d’étude. Les mariages auraient lieu entre l’âge de quatorze et dix-sept ans et le nombre d’enfants demandé serait de minimum huit par femme. Les femmes seraient éduquées dans le seul objectif de leur apprendre à être de bonnes mères et des femmes soumises à leur mari. On demande également aux membres de verser une partie de leur salaire à la mission sous forme de dîme, mais il s’agit là d’une pratique courante tant dans le christianisme que dans l’islam.

Sites Web

Le site web de la mission de St-Paul de Joliette a été récemment fermé.

Quelques références

Acupuncteurs (Ordre professionnel des) c. Francoeur, 2017 CanLII 38195 (QC OAQ), http://canlii.ca/t/h4d6p[jugement sur l’affaire opposant l’ordre des acupuncteurs et Emmanuel Francoeur] , consulté le 4 juillet 2019.

Allard, Marie. « Mission de l’Esprit-Saint : la ministre Courchesne préoccupée », La Presse, 5 mars 2009, https://www.lapresse.ca/actualites/education/200903/05/01-833412-mission-de-lesprit-saint-la-ministre-courchesne-preoccupee.php, consulté le 4 juillet 2019

Bergeron, Marie-Christine. « Une école liée à la Mission de l’Esprit-Saint va perdre son permis », TVA Nouvelles, 12 juin 2019, https://www.tvanouvelles.ca/2019/06/12/une-ecole-liee-a-la-mission-de-lesprit-saint-pourrait-perdre-son-permis, consulté le 4 juillet 2019

DeRome, Bernard et Julie Miville-Dechêne (animateurs),Le Téléjournal/Le Point, reportage diffusé par Radio-Canada Télévision, émission du mardi 3 octobre 2006.

E. B., Re, 2004 CanLII 51383 (QC C.Q), http://canlii.ca/t/1jq2g(jugement de la Cour du Québec en faveur de la DPJ pour le retrait de six enfants de l’environnement de la MES, 14 septembre 2004).

« École illégale », La Voix de l’Est, 5 octobre 2006, p. 12.

« École illégale », Le Devoir, 5 octobre 2006, p. A2.

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Lavoie, Raphaël. « Écoles illégales : “C’est terminé de se fermer les yeux”, affirme le ministre Roberge ». TVA Nouvelle, 13 juin 2019, https://www.tvanouvelles.ca/2019/06/13/ecoles-illegales-cest-termine-de-se-fermer-les-yeux-affirme-le-ministre-roberge-1, consulté le 4 juillet 2019

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[1]Nous n’avons trouvé aucune précision sur l’existence de ce cercle qui aurait existé à Montréal au début du xxesiècle. Il s’inscrit dans une dévotion du christianisme catholique. En effet, le but de l’œuvre de Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690), qui avait bénéficié d’apparitions du Christ,était la régénération du monde par le Sacré-Cœur. C’est le Père Jules Chevalier (1824-1907), le fondateur de la communauté des Missionnaires du Sacré-Cœur, qui eut, beaucoup plus tard, en 1857, l’idée d’un nouveau titre donné à la Vierge pour manifester « sa coopération à cette œuvre de régénération » et il trouva celui de Notre-Dame du Sacré-Cœur (voir Jules Chevalier, Notre-Dame du Sacré-Cœur, Paris, Rétaux-Bray, 1886, p. II, voir

https://books.google.ca/books?id=_JD7X0lzWEkC&pg=PP10&lpg=PP10&dq=Notre-Dame+du+Sacr%C3%A9-C%C5%93ur+r%C3%A9g%C3%A9n%C3%A9ration&source=bl&ots=dBDj8nxxT_&sig=ACfU3U3rMxXBK-yL_sHNh8I3O6bUuPNvtw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiAlcW3wfDjAhWRq1kKHTvZAf4Q6AEwD3oECAgQAQ#v=onepage&q=Notre-Dame%20du%20Sacr%C3%A9-C%C5%93ur%20r%C3%A9g%C3%A9n%C3%A9ration&f=false), consulté le 6 août 2019.