Amish du vieil ordre (Les)
Les données contenues dans cette fiche ont été recueillies lors d’une recherche documentaire menée à l’automne 2004 (dernière mise à jour en avril 2010) par Andréanne Turgeon, agente de recherche au CROIR.
Autres appellations
Amish; Old Order Amish
Fondateur
Jakob Amman (1644-1711)
Groupe d’inspiration
chrétienne (protestantisme), anabaptisme
Objectifs
- Assurer le bien-être de la communauté.
- Éviter l’usage de la violence.
- Éliminer la « pollution » de l’être en évitant le contact avec le monde extérieur.
- Vivre une vie exemplaire, inspirée directement de la Bible, afin d’être récompensé au paradis.
Présence
États-Unis, Canada
Nombre approximatif de membres
200 000
Description générale
Bref historique
Les amish du vieil ordre sont issus de l’anabaptisme, une branche protestante du christianisme créé en 1525 en Suisse par Conrad Grebel suite à  une rupture avec le zwinglianisme. Plusieurs questions théologiques, notamment celle du baptême des enfants, avaient été disputées en son sein. Grebel affirmait par exemple que seul le baptême consentant des adultes traduisait leur véritable foi dans le Christ. Cette interprétation amorça le mouvement anabaptiste, qui signifie « rebaptisé », puisqu’avant la réforme protestante, la grande majorité des Européens étaient baptisés à la naissance au sein de l’Église catholique. Après la mort de Grebel en 1526, le mouvement anabaptiste se propagea partout en Europe. Menno Simons (1496-1561), un prêtre hollandais, se joignit alors aux anabaptistes et exprima un point de vue plus radical. Les gens qui se regroupèrent autour de lui furent appelés les mennonites.
Face aux nombreuses persécutions dont furent victimes les anabaptistes au XVIe siècle, une discipline plus stricte émergea au sein de plusieurs communautés, dont celle des mennonites. Bien que les protestants de toutes confessions admettaient généralement que le salut pouvait être obtenu par la foi seule, il fallait également, pour les branches plus radicales, traduire cette foi par les « bonnes œuvres », d’où l’importance de respecter rigoureusement les préceptes du Nouveau Testament, à défaut de quoi une personne pouvait être bannie de la communauté. C’est dans ce contexte qu’émerge les amish. L’interprétation particulièrement rigide et conservatrice (excommunication des déviants, obligation d’un vêtement uniforme pour tous les membres de la communauté, pratique du lavage des pieds, etc.) de Jakob Amman, un jeune évêque suisse alors ministre de la congrégation Emmenthal, créa une scission à l’intérieur du mouvement mennonite en 1693 : ceux qui suivirent Amman sont devenus les « amish ».
Les persécutions religieuses des XVIIe et XVIIIe siècles envers les anabaptistes en général forcèrent les amish à migrer un peu partout en Europe et aux États-Unis. Les petites congrégations européennes furent peu à peu réintégrées dans le mouvement mennonite, alors que celles qui trouvèrent refuge en Amérique subsistèrent en tant que communautés distinctes. En effet, les États-Unis devinrent rapidement une terre d’accueil pour les communautés protestantes victimes de persécution en Europe. Les premiers amish y immigrèrent dans les premières décennies du XVIIIe siècle. Une communauté amish s’installa en Ontario vers 1822 et, jusqu’au tournant du XXe siècle, elle fut la seule au Canada.
Le « Vieil Ordre Amish » émerge vers 1870, en réaction au contexte effervescent du « revivalisme » américain. Se réclamant de l’orthodoxie anabaptiste originel, le « vieil ordre » constitue la branche la plus populeuse au sein du mouvement amish en Amérique. Au cours du XXe siècle, plusieurs communautés dissidentes en émergeront, notamment les Peachy Amish (1910) et les New Order Amish (1966).
Convictions fondamentales des membres
L’interprétation littérale de la Bible qui prévaut chez les amish, de même que l’interprétation rigoureuse qu’en faisait Amman, sont autant de facteurs qui ont eu pour effet de faire durer jusqu’à aujourd’hui une microculture religieuse typique des années 1700. Les amish doivent constamment rechercher des accommodements avec la culture moderne, et gérer les nouveautés que constituent pour eux l’électricité, le système routier, l’automobile, le tourisme, etc. La difficulté d’arriver à des consensus sur ces questions a engendré au fil du temps différents schismes dans le mouvement.
Les amish admettent la plupart des préceptes chrétiens de confession protestante, dont la primauté des Écritures saintes, qui sont interprétées de façon littérale. Le Nouveau Testament fait autorité, puisque le récit de la vie de Jésus, en tant que modèle à suivre, occupe une place centrale dans la vie religieuse des amish. Une importance particulière est accordée au texte du « Sermon sur la montagne » (ou « Béatitudes », Mt 5, 1-12), qui constitue pour les amish l’exemple par excellence de la façon dont doivent vivre les chrétiens.
Ils respectent les principaux dogmes chrétiens, comme ceux de la trinité, de la virginité de Marie, de l’incarnation (le fait que Dieu se fasse homme à travers Jésus) et de la résurrection de Jésus. Ils croient en outre à l’existence de Satan, à la vie éternelle après la mort, au paradis et à l’enfer. Par ailleurs, les Amish admettent la Confession de foi de Dordrecht (1632). Il s’agit des dix-huit principaux préceptes auxquels ils doivent faire allégeance.
Structure et organisation
La spiritualité personnelle revêt pour les amish une plus grande importance que les considérations terrestres. L’humilité est une valeur primordiale qui détermine le mode de vie amish; à leurs yeux, l’humilité devant Dieu entraîne nécessairement l’humilité sociale (devant les autres). Cette attitude favorise également certaines pratiques, comme celle de se confesser publiquement devant l’assemblée de l’Église. L’humilité s’exprime notamment par le port de vêtements simples et l’absence de vêtements liturgiques pour les services religieux, pour éviter l’orgueil qu’un individu pourrait ressentir en portant de tels vêtements.
Les amish ont développé une forme de gouvernement congrégationaliste. En théorie, toutes les décisions concernant la vie religieuse et les règles de la communauté sont prises par l’ensemble de la congrégation, bien qu’il existe habituellement une forme de hiérarchie au sein des différentes congrégations.
Les amish célèbrent les fêtes chrétiennes traditionnelles (Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte), mais en excluant leur dimension « commerciale » (aucune représentation du Père Noël ou du lapin de Pâques, aucun sapin de Noël, etc.). Ils célèbrent aussi des fêtes comme l’Action de Grâce, le jour de l’An et les anniversaires d’enfant. Ces fêtes, toutes célébrées sobrement, sont surtout l’occasion pour eux de passer du temps en famille et de visiter leurs proches. Les amish ne célèbrent pas les fêtes à caractère patriotique, comme les fêtes nationales du 1er juillet au Canada et du 4 juillet aux États-Unis, ou les célébrations « militaires », comme le Jour du souvenir le 11 novembre.
Les communautés amish se caractérisent également par l’absence de lieux spécifiquement destinés au culte : les services religieux se font dans les maisons des membres de la congrégation, de façon rotative, tous les dimanches. Par ailleurs, les amish sont anabaptistes : ils ne baptisent pas les enfants à la naissance mais ils admettent le baptême consentant des adultes.
Les Amish adoptent un mode de vie rural et se séparent volontairement de la « vie moderne » pour ne pas que celle-ci influence leur style de vie. Dans ce contexte, le port de vêtements sobre – sur le modèle des vêtements européens du XVIIIe siècle – est prescrit. Les hommes mariés doivent porter la barbe (mais pas la moustache, qui est, selon eux, culturellement associée au militarisme), et leurs vêtements comportent des crochets et des œillères plutôt que des boutons. Ces caractéristiques différenciaient déjà , au début du XVIIIe siècle, les amish des mennonites et se sont maintenues avec le temps. Les Amish ne s’opposent pas à la médecine « moderne », mais ont souvent recours à des méthodes dites de « médecine traditionnelle ». Les accouchements ont généralement lieu à la maison. Par ailleurs, la plupart des communautés interdisent la contraception; les femmes amish ont en moyenne 7 ou 8 enfants.
Dans plusieurs communautés, il est interdit de se faire prendre en photo, particulièrement les adultes. Cette interdiction s’appuie sur l’un des Dix Commandements : «Tu ne feras pour toi ni sculpture ni image de ce qui est dans les cieux en haut, de ce qui est sur la terre en bas et de ce qui est dans les eaux sous la terre» (Exode 20, 4).
Plusieurs communautés emploient couramment un dialecte allemand. Les hymnes, notamment, sont toujours en allemand. Les amish ont même l’habitude de désigner les non-amish sous le terme « English », « les Anglais », par opposition à leurs racines germaniques.
L’ordnung est un code de conduite non écrit mais connu de tous et appris dès l’enfance; il sert à réguler la vie publique, privée et cérémonielle des amish. L’ordnung précise les prescriptions et les interdictions, particulièrement en ce qui a trait la modernité; généralement, il interdit la possession d’un véhicule motorisé (automobile, tracteur), d’un téléphone, ainsi que l’utilisation de l’électricité. Ce code varie toutefois d’une communauté à l’autre. Ainsi, les Beachy Amish, les amish mennonites ou les New Order Amish sont des communautés considérées plus « libérales » qui admettent plusieurs compromis face à la modernité, comme l’utilisation du téléphone ou de machinerie motorisée, ou alors l’utilisation de l’électricité ou du gaz. L’ordnung interdit généralement le divorce, l’enrôlement dans l’armée et la fréquentation de l’école secondaire (les amish accordant beaucoup plus d’importance au travail agricole et aux valeurs morales chrétiennes dans l’éducation de leurs enfants).
Les Amish observent également le meidung, une pratique qui prévoit d’ostraciser un membre de la congrégation en cas de transgression des règles de l’ordnung; cela peut aller du mensonge et de l’adultère à l’achat d’une automobile ou à la possession d’un permis de conduire. Le membre fautif est ostracisé après que l’assemblée ait voté son excommunication. Il est possible pour le fautif de réintégrer la communauté, après la confession de sa transgression et une période de repentir. Les membres qui quittent la communauté pour rejoindre des groupes mennonites considérés plus « laxistes » sont excommuniés et bannis de leur communauté d’origine à perpétuité.
Sites Web
http://www.amish.net/
http://www.mhsc.ca/
Quelques références
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