Église maradonienne (L’)

Les données contenues dans cette fiche ont été recueillies lors d’une recherche documentaire menée à l’automne 2020 par Alain Bouchard, coordonnateur du CROIR.


Autres appellations

Iglesia Maradoniana (qui est le nom de cette Église en espagnol)

Fondateurs

Hernán Amez et Héctor Campomar

Groupe d’inspiration

Fictionnelle

Mission

  • La fonction de l’Église est de maintenir vivante la passion et la magie avec laquelle notre dieu jouait au football. Nous n’oublierons pas les miracles qu’il a réalisés sur le terrain, sous le regard de tous, et du sentiment qu’il a réveillé en nous, les admirateurs, jour après jour.

Présence

Principalement en Argentine et dans une soixantaine de pays.

Nombre approximatif de membres

100 000

Description générale

Le 30 octobre 1998, un peu à la blague, deux supporteurs argentins, Hernán Amez et Héctor Campomar, ont voulu souligner d’une façon un peu spéciale le 38e anniversaire de Maradona. Ils décidèrent de faire de cette journée le Noël maradonien. Rapidement plusieurs personnes se sont jointes aux deux comparses et aujourd’hui la Iglesia Maradoniana (l’Église maradonienne) regroupe plus de 100 000 adeptes dans une soixantaine de pays. Le compte Twitter officiel de l’Église compte 3 000 abonnés. Les fans peuvent y déposer leurs messages d’amour et de soutien à la vedette du ballon rond. Leur credo : « Notre religion, c’est le foot et, comme toute religion, elle doit avoir un dieu. […] Ce dieu est argentin et il s’appelle Diego Armando Maradona ».

Depuis 2001, les fidèles se réunissent à deux occasions. Le 29 octobre (le Noël maradonien), pour souligner la naissance de leur idole, ils décorent de blanc et de bleu ciel un arbre de Noël dont les branches sont couvertes de portraits de Maradona. Les croyants passent la nuit ensemble à visionner les exploits de Diego. Le 22 juin (la Pâque maradonienne), on commémore le match de la Coupe du monde 1986 où l’Argentine a défait l’Angleterre par le pointage de 2 à 1. Au cours de ce match, Diego marque le célèbre but dit « de la main de Dieu » et quatre minutes plus tard un but qui est considéré comme l’un des plus beaux de l’histoire du football.

En plus de ces deux « jours saints », les fidèles sont invités à observer les dix commandements :

  1. Mais l’honneur du ballon est resté sauf (une célèbre phrase prononcée par Diego au moment de prendre sa retraite).
  2. Aimer le football plus que tout au monde.
  3. Déclarer son amour inconditionnel pour Diego et le football.
  4. Défendre les couleurs du maillot argentin tout en respectant ses semblables.
  5. Diffuser la nouvelle des miracles du Dieu Diego à travers toute la planète.
  6. Honorer les temples où il a joué et ses chemises sacrées.
  7. Ne pas proclamer le nom de Diego comme membre d’une seule équipe.
  8. Prêcher et diffuser les principes de l’Église Maradonienne.
  9. Porter Diego comme second prénom et donner ce prénom à son fils.
  10. Vivre dans le monde réel et garder les pieds sur terre.

Les fondateurs organisent aussi des messes dont ils font la promotion sur les réseaux sociaux. Les lieux de rencontre sont déterminés sur la page Facebook de l’Église. Lors de ces rassemblements, il y a des processions où l’on récite le Diego Nuestro :

Notre Diego – Qui est sur les terrains – Que ton pied gauche soit béni – Que ta magie ouvre nos yeux – Fais-nous nous souvenir de tes buts – Sur la terre comme au ciel – Donne-nous aujourd’hui notre bonheur quotidien – Pardonne aux Anglais — Comme nous pardonnons à la mafia napolitaine – Ne nous laisse pas abîmer le ballon – Et délivre-nous de Havelange. – Diego

À l’occasion de ces processions, on égrène un chapelet à 34 grains, un chiffre qui rappelle le nombre de buts que Diego a marqué pour son pays. Lors des cérémonies, les fidèles doivent être vêtus d’un maillot de football ou d’une toge marquée du sigle « D10S » (on remplace le i et le o du mot Dios [Dieu] par le numéro 10 de chandail de Maradona).

L’Église célèbre aussi des baptêmes. À cette occasion, les nouveaux convertis sont invités à marquer un but avec le poing gauche (comme leur idole en 1986) et à jurer sur la biographie de Maradona que c’est lui qui a été, est et restera le meilleur joueur de tous les temps. Après cela, on les asperge avec de l’eau bénite en provenance d’un récipient en plastique de quatre litres portant l’inscription « Argentine 1 — Brésil 0, Mundial 1990 », en référence au match classique de la Coupe du monde en Italie. Le premier mariage a été célébré en 2007. Encore ici, il faut prêter serment sur la biographie de Diego et sur un ballon de football. Les nouveaux mariés arborent robes et costumes flanqués d’un numéro dix. Devant l’officiant, vêtu d’un foulard Maradona en guise d’étole, le couple jure de s’aimer et de se respecter, mais également de regarder ensemble des vidéos présentant les buts de leur Dieu. L’échange des anneaux se fait devant une affiche de Maradona. Selon le calendrier de l’Église maradonienne, la première cérémonie eut lieu en l’an 47 A.D. (après Diego), l’an 1 étant celui de la naissance en 1960 du joueur argentin.

Sur la page Facebook, les membres partagent citations, photos, souvenirs et vidéos des meilleurs buts et performances du joueur. Les fidèles disent éprouver un amour inconditionnel pour Maradona, quoi qu’il ait fait en dehors du terrain, car ils pensent que le miracle qu’il y a accompli était si divin qu’aucun mortel n’a le droit de juger de cet homme. Hernán Amez a déjà déclaré : « Je ne suis pas catholique, la religion c’est une question d’émotion et le football c’est une passion. Je suis pratiquant depuis dix ans et ce n’est pas seulement pour le plaisir, c’est une religion ». Alejandro Verón a dit : « J’ai une religion rationnelle, la religion catholique, et j’ai une religion dans mon cœur, une religion de passion, c’est Diego Maradona ».

Site Web

http://www.iglesiamaradoniana.com.ar/

Quelques références

« Mort de Maradona: le “Dieu” argentin avait même son église … », Le HuffPost, 25 novembre 2020, https://www.huffingtonpost.fr/entry/mort-de-maradona-le-dieu-argentin-avait-meme-son-eglise-maradonienne_fr_5fbe9749c5b6e4b1ea480770 consulté le 30 novembre 2020.

Adams, J. R., Latin American Heroes: Liberators and Patriots from 1500 to the Present, New York, Ballantine Books, 1993.

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Franklin, Jonathan, « He Was Sent from Above », The Guardian, 12 Novembre 2008, https://www.theguardian.com/football/2008/nov/12/diego-maradona-argentina consulté le 30 novembre 2020.

Free, Marcus, « Diego Maradona and the psychodynamics of football fandom in international cinema », dans Carole M. Cusack and Pavol Kosnáč (ed.), Fiction, Invention and Hyper-reality. From popular culture to religion, New York, Routledge (Inform Series on Minority Religions), 2017, p. 158-177.

Márquez Tizano, Rodrigo, « Plongée dans l’“église” dédiée à Diego Maradona », Vice 21 août 2019, https://www.vice.com/fr/article/mb4qvq/plongee-dans-l-eglise-dediee-a-diego-maradona consulté le 30 novembre 2020.

Pecciarini, Guillaume, « L’Église Maradonienne, le football religieux », Argentine Info, 4 juin 2014, https://argentine-info.com/leglise-maradonienne-le-football-religieux/ consulté le 30 novembre 2020.

Salazar-Sutil, Nicolás, « Maradona Inc. Performance politics off the pitch », International Journal of Cultural Studies, 2008, Volume 11(4), p. 441–458.