Société théosophique (S.T.)
Les données contenues dans cette fiche ont été recueillies lors d’une recherche documentaire menée au printemps 2016 par Frédérique Bonenfant, agente de recherche au CROIR.
Autres appellations
Société théosophique d’Adyar; International center of the Theosophical Society; Théosophie
Fondateurs
Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891), Henry Steel Olcott (1832-1907), William Quan Judge (1851-1896) et 14 autres signataires.
Groupe d’inspiration
ésotérique; universelle (religion)
Objectifs
- Former un noyau de la Fraternité universelle de l’humanité, sans distinction de race, credo, sexe, caste ou couleur ;
- Encourager l’étude comparée des religions, des philosophies et des sciences ;
- Étudier les lois inexpliquées de la nature et les pouvoirs latents dans l’homme.
Source : http://www.theosophique.ca/aboutus_tsplatform_threeobjects.shtml.
Présence
Mondiale. Il existe des centres dans cinquante pays.
Description générale
L’emploi du terme théosophie (littéralement « sagesse de Dieu ») remonte à l’antiquité tardive, bien que la signification du mot ait oscillé entre la théologie et les autres sciences occultes jusqu’à son expression définitive chez les théosophes des XVI-XVIIIe siècles tels que Paracelse (1493-1541) et Jacob Boehme (1575-1624). Comme le souligne Daniel Caracostea (Politica Hermetica, 1993, p 98), les théosophes issus de la Société théosophique et dont il est question ici revendiquent plutôt une filiation avec les néoplatoniciens d’Alexandrie, tel Ammonios Saccas. Dans le contexte de la Société théosophique, la théosophie devient synonyme de la sagesse inhérente à toute tradition religieuse et spirituelle, véhiculée surtout à travers leurs traditions ésotériques. Quoi qu’il en soit de l’utilisation polysémique du terme [1], nous pouvons dire qu’il existe deux principaux corpus littéraires théosophiques plus ou moins indépendants. Le courant théosophique à l’origine de la S.T. est souvent appelé « théosophie orientale », « théosophie moderne » ou théosophisme pour le distinguer des autres courants théosophiques. La distinction au niveau de l’identité individuelle relève souvent de l’emploi du terme théosophiste (theosophist en anglais) pour la tradition de la S.T., et de théosophe (theosopher) pour la théosophie dite « classique » (Antoine Faivre, L’ésotérisme, 1992, p. 94).
Bref historique
L’initiatrice principale de la Société théosophique fut Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891), d’origine ukrainienne, personnage controversé aux multiples facettes et au passé aventureux. Mme Blavatsky connut vraisemblablement plusieurs années de voyages autour du globe (1849-1873) après avoir fuit le premier lit conjugal (avec le général Nicéphore V. Blavatsky, Gouverneur de la province d’Erivan). Les récits biographiques, dans lesquels l’on peine à départager le vrai du romancé, font référence à sa naissance entourée de phénomènes surnaturels, à ses aventures en Asie mineure, en Amérique (même au Québec) et en Europe, mais également à ses années d’études initiatiques en Inde et au Tibet. Mme Blavatsky (ou HPB) était reconnue depuis son tout jeune âge pour ses « dons psychiques » exceptionnels, qu’elle disait avoir lentement appris à maîtriser auprès de maîtres autour du globe. Elle prétendait suivre la direction d’un maître en particulier, surnommé Morya [2], membre d’une fraternité d’initiés (la Fraternité blanche) Å“uvrant plus ou moins clandestinement pour l’évolution de l’humanité à la fois sur les plans physique et subtil. C’est sous le conseil de ce même maître qu’elle aurait mis fin à ses années d’errance pour se rendre aux États-Unis, y rencontrer celui qui deviendra son fidèle allié dans l’entreprise théosophique : le colonel Henry Steel Olcott (1832-1907).
Les deux amis se sont rencontrés une première fois en visite chez les frères Eddy, dans le Vermont, où s’observaient à l’époque d’importants phénomènes spirites. Dans son appartement de New York, Mme Blavatsky attira rapidement autour d’elle de nombreuses personnes intéressées par la question spirite; un public d’abord enthousiaste envers les « talents » particuliers de Mme Blavatsky, mais également intéressés à l’étude approfondie des sciences occultes. Ce cercle d’étude impliquait plusieurs francs-maçons, à commencer par Olcott lui-même, et d’autres membres de confréries ésotériques. HPB présentait une position ambigüe envers le spiritisme, attaquant ses manifestations contemporaines et ses figures reconnues tout en mettant de l’avant ses propres dons psychiques. Les rencontres d’études des phénomènes spirites et de l’ésotérisme se développèrent graduellement sous l’influence supposée des maîtres de HPB, Morya et d’autres mahâtmâs (Koot Hoomi et Serapis surtout) [3], qui se manifestaient habituellement aux intéressés via des lettres « précipitées » [4], offrant des enseignements ésotériques et des conseils pratiques. Parmi les nouveaux intéressés se trouvait William Quan Judge (1851–1896), qui participa également à la fondation de la Société théosophique à New-York en 1875.
Le premier noyau de chercheurs en théosophie, dirigé administrativement par le général Olcott, précisa trois objectifs pour la S.T.: former un noyau de la Fraternité universelle de l’humanité, encourager l’étude comparée des religions, des philosophies et des sciences en plus d’étudier les lois inexpliquées de la nature et les pouvoirs latents dans l’homme. HPB publia, deux ans après la fondation de la S.T., un imposant recueil d’enseignements, intitulé Isis dévoilée (Isis Unveiled, 1877) et abordant plusieurs thèmes liés aux sciences occultes et à l’étude des religions comparées. La parution de l’ouvrage attira considérablement l’attention sur la Société théosophique, lui apportant de nouveaux intéressés, mais également des critiques virulentes.
En 1878, à la suite de plusieurs controverses, notamment les accusations de fraude planant sur HPB et ses manifestations spirites, le groupe préféra se déplacer en Inde, où ils furent accueillis chaleureusement grâce aux efforts diplomatiques du colonel Olcott. William Quan Judge, qui était pour sa part resté aux États-Unis, poursuivit le développement de la section américaine de la Société. La S.T. en Inde décida d’établir ses quartiers généraux à Madras (aujourd’hui Chennai), dans la province du Tamil Nadu, à l’embouchure de l’Adyar, d’où son surnom de Société théosophique d’Adyar. La tête administrative d’Adyar prit officiellement le nom de International center of the Theosophical Society en 1882.
Poursuivant ses recherches selon les objectifs initiaux de la société et l’influence des maîtres de HPB (toujours manifestés en correspondance précipitée), la S.T. fut graduellement rejointe par de nouveaux visages influents, considérés comme la seconde génération des dirigeants. Parmi ces nouveaux venus, mentionnons le Rev. Charles Webster Leadbeater (1847-1934), qui joignit la S.T. de Londres en 1884 [5]. Mme Blavatsky, en proie à une santé déclinante et aux querelles incessantes avec le colonel Olcott, était elle-même retournée s’installer à Londres pour rédiger, toujours sous l’influence de ses maîtres, son second recueil d’enseignements intitulé La doctrine secrète et paru en 1888. Ce fut ensuite au tour de la Londonienne Annie Besant (1847-1933) de joindre les rangs de la S.T. de Londres. Elle prit rapidement la tête de la section ésotérique de Londres (cercle d’étude rapproché de HPB) et s’attira les faveurs de la médium, en plus de la complicité de Leadbeater.
L’influence considérable du duo Leadbeater/Besant en Europe contribua à accentuer les tensions internes de la Société théosophique jusqu’au décès de Mme Blavatsky en 1891. Annie Besant déménagea à Adyar deux ans après le décès de HPB, et s’impliqua activement au sein de la Société aux côtés de nombreuses autres causes sociales (dont la lutte pour l’indépendance de l’Inde). L’activiste et habile conférencière diffusait une vision « adaptée » des enseignements de HPB, ce qui accentua les conflits internes et provoqua certains schismes, notamment l’expulsion de W.Q. Judge et de la totalité de la société théosophique américaine en 1895. À partir de ce moment, la branche américaine se développa considérablement en marge de la S.T. d’Adyar, en particulier sous l’influence de Katherine Augusta Westcott Tingley (1847-1929), disciple de Judge, qui fonda entre autres « Lomaland » (1900-1942), une communauté théosophique située à Point Loma, en Californie, assez active pour posséder sa propre université. Celle qu’on surnommait la « Mère pourpre » représente aujourd’hui un maillon important de la « tradition théosophique de Point Loma » (avec Judge et Gottfried de Purucker), représentée surtout par la Theosophical Society : Blavatsky House the Hague (Pays-Bas). La lignée théosophique américaine qui ne se réfère pas spécifiquement à Point Loma est appelée Theosophical Society : International Headquarters Pasadena, développée sous l’influence du Colonel Arthur L. Conger, successeur de Tingley. Autre courant important aux États-Unis, la United Lodge of Theosophists (fondée en 1909), revendique un « retour à Blavatsky » et refuse l’influence des écrits des théosophes de seconde et de troisième génération.
Du côté d’Adyar, Annie Besant succéda au Colonel Olcott à la tête de la société en 1907, rôle qu’elle assuma jusqu’à son décès en 1933. Les années de Besant furent caractérisées, selon les termes de René Guénon (Le théosophisme, 1965 [1922], p. 304) par un messianisme théosophique préparant la venue de « l’Instructeur Mondial », incarnation de Maîtreya [6]. Leadbeater reconnut en 1909 le jeune Jiddu Krishnamurti, 14 ans, comme étant le futur véhicule (corps physique) de celui tant attendu par les théosophes. Krishnamurti et son jeune frère furent adoptés légalement par Annie Besant, et l’aîné, qui se faisait dès lors appeler Alcyone [7], reçut une éducation adaptée à son futur rôle d’instructeur mondial. En 1929, cependant, suite au décès de son jeune frère, Krishnamurti annonça la dissolution de l’Ordre de l’étoile d’orient, regroupement qui lui était consacré, et renonça à la destinée que la S.T. avait forgée pour lui. « L’affaire Krishnamurti » avait provoqué, depuis ses débuts en 1910, de nombreux désaccords idéologiques à l’intérieur de la Société théosophique, dont le plus célèbre est probablement celui de Rudolf Steiner (1861-1925), ancien secrétaire général de la S.T. allemande et responsable de son école ésotérique. Trop attaché à la figure christique pour cautionner l’amalgame avec l’avènement de Maitreya, Steiner entra en conflit idéologique et personnel avec la S.T. d’Adyar et sa présidente Annie besant, ce qui provoqua la dissolution de la S.T. allemande. Steiner rassembla alors la majorité des loges allemandes et fonda sa propre Société anthroposophique en 1913.
Il existe de nombreux autres mouvements de troisième génération, inspirés directement de la théosophie de Mme Blavatsky ou des courants théosophiques de deuxième génération. La plupart de ces mouvements revendiquent le parrainage des enseignements par un grand maître de la Fraternité blanche (plus ou moins en lien avec ceux de HPB). Parmi les plus célèbres, nous pouvons mentionner l’École arcane d’Alice Bailey (Bonne volonté mondiale), le Bridge to Freedom de Geraldine Innocente et la Saint-Germain Foundation, initiée en 1930 par Guy W. Ballard [8] (alias Godfré Ray King). Des mouvements tels que Nouvelle acropole (fondée en 1957 à Buenos Aires par J. A. Livraga), ou l’Église gnostique chrétienne universelle de Samael Aun Weor (fondée en 1949 à Mexico) diffusent également les enseignements théosophiques de tradition blavatskienne sans toutefois réclamer d’affiliation avec la Société théosophique.
Structure et organisation
La structure de la Société théosophique s’est considérablement simplifiée au fil des ans pour devenir, aujourd’hui, comparable à toute organisation internationale d’envergure similaire. La complexité des structures antérieures provenait de l’attachement de Mme Blavatsky et d’Annie Besant pour la distinction entre les connaissances ésotériques et exotériques; justifiant l’élaboration de degrés initiatiques au sein des regroupements, par exemple la distinction entre les sociétés nationales et leurs sections ésotériques. Aujourd’hui, les regroupements sont libres de se spécialiser dans un domaine particulier (y compris les enseignements strictement ésotériques), mais le nombre décroissant de membres actifs suggère plutôt un appel à la polyvalence des groupes. Il existe cependant une distinction à faire entre les sociétés nationales de théosophie et leurs sous-groupes appartenant à l’Ordre Théosophique de Service (OTS). Cet ordre particulier fut créé par Annie Besant en 1908, dans l’objectif d’améliorer les conditions matérielles et spirituelles de l’humanité. Il organise des collectes de fonds et s’investit dans des causes sociales au niveau national et international, telles que le droit des animaux, l’accès à l’éducation, les recherches sur le cancer, etc.
Les quartiers généraux de la Société théosophique se situent toujours à Adyar, où l’on retrouve également un grand campus théosophique. Les installations comprennent une imposante bibliothèque doublée d’un centre de recherche, ainsi que les structures d’accueil pour les théosophes en provenance de partout à travers le monde. Le site comporte également plusieurs bâtiments à vocation religieuse, tels un temple hindou, sikh et zoroastrien, un sanctuaire bouddhiste, une église chrétienne et une mosquée. Les bureaux de la Theosophical Publishing House, principal organe de publication et d’édition (à ne pas confondre avec la Theosophical University Press), se retrouvent également à Adyar. Le site intègre aussi des organisations sociales associées, telles qu’un centre de jour (Social Welfare Center), une école de métier (Vocational Training Centre for Woman), une école secondaire (Olcott Memorial Higher Secondary School) et même une clinique vétérinaire (Besant Memorial Animal Dispensary).
La Société d’Adyar est dirigée depuis 2014 par Timothy Breck Boyd (1953-) le huitième président depuis la fondation de la S.T. La présidence est soumise à une élection démocratique pour un mandat de sept ans. La direction de la société d’Adyar organise des écoles théosophiques avancées (School of Wisdom) et des campagnes internationales, en plus d’orienter les directions des différentes organisations nationales de la Société théosophique.
Il existe des Sociétés théosophiques nationales dans plus de 50 pays autour du globe. Les associations nationales relèvent en partie d’Adyar (financièrement et administrativement), mais possèdent l’entière liberté au niveau de leur structure et de leurs activités tant qu’elles sont en accord avec les trois principes de la société et respectent la liberté de pensée des individus. Ces sociétés nationales regroupent l’administration des divers centres et loges présentes dans un pays. Les centres sont généralement d’assez grande envergure pour offrir des enseignements sous forme de retraites ou de séminaires intensifs de la School of Wisdom, alors que les loges, plus restreintes, ne nécessitent qu’un minimum de sept membres afin d’être reconnues par l’association nationale et internationale. L’adhésion à la Société théosophique se fait préférablement à partir des loges ou centres locaux, en payant les frais d’adhésion (25$ annuellement pour le Canada) à la société nationale.
Au Canada, il y a des loges et des groupes d’étude dans les provinces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de l’Ontario et du Québec, regroupées sous la bannière de l’Association théosophique canadienne (ATC) qui comprend moins de 200 membres. Il existe également des centres de retraites théosophiques dans plusieurs pays, dont quatre aux États-Unis.
Les regroupements relevant directement des associations nationale et internationale d’Adyar ne possèdent aujourd’hui aucun rituel ou cérémonie officielle. Il est probable qu’autrefois certains cercles d’études ésotériques aient mis sur pied des initiations secrètes, mais les groupes d’aujourd’hui n’exigent que l’adhésion à la S.T. d’Adyar, qui se résume à l’envoi d’un formulaire et d’une cotisation annuelle.
Les Sociétés Théosophiques étant assez libres au niveau de leurs activités, il n’est pas rare de voir une organisation particulière célébrer un événement ou une cause significative pour le groupe. La S.T. célèbre cependant le jour du lotus blanc le 8 mai, jour de l’anniversaire du décès de Mme Blavatsky.
Convictions fondamentales et vision du monde
Le corpus incroyablement vaste des connaissances transmises par Mme Blavatsky, sans compter les commentaires des théosophes de seconde et de troisième génération, rend impossible la tâche de résumer les croyances propres à la société théosophique. De plus, la liberté de croyance étant au centre de l’éthique de la S.T., la société a toujours insisté pour se définir par les trois grands objectifs (voir plus haut) et non par une croyance quelconque.
Ceci étant dit, il semble difficile d’adhérer de manière cohérente à la société théosophique sans accepter le concept des mahâtmâs, à qui l’on attribue l’autorité des enseignements. L’existence réelle de ces maîtres est en fait une question épineuse pour la plupart des théosophes, et les nombreuses appropriations dont ont fait l’objet les mahâtmâs par des groupes spirituels dissidents [9], ont largement contribué à la confusion. Sans contredire les écrits des fondateurs, la S.T. préfère aujourd’hui mettre l’accent le contenu des enseignements et de moins en moins sur leur source contestable.
Les enseignements propres à la Société théosophique empruntent une quantité importante de mots et de concepts des traditions orientales. Alors que les enseignements de Mme Blavatsky s’inspiraient du bouddhisme, ceux issus de la période d’Annie Besant s’inspirent généralement de l’hindouisme. Les termes employés font cependant davantage référence à une réinterprétation occidentale qu’aux concepts originaux. C’est pourquoi les définitions employées ici ne concernent que la S.T.
Le sceau de la théosophie de Blavatsky (utilisé par HPB avant la fondation de la société) est composé de plusieurs symboles rassemblés : l’hexagramme étoilé (Étoile de David ou sceau de Salomon) avec l’Ankh (croix ansée), le tout entouré d’un ouroboros (serpent se mordant la queue) et surmonté d’un swastika et du mot Aum en sanskrit. Chacun de ces éléments fut interprété au fil des ans de diverses manières. Pour certains membres de la S.T., la croix ansée de couleur blanche symbolise la régénération de l’homme, placée à l’intersection du mouvement d’incarnation et de sublimation (sceau de Salomon) et entouré du cycle de l’éternité (ouroboros). La swastika symbolise la manifestation de l’énergie/volonté divine et le aum, ajouté plus tardivement, représente « le soleil qui illumine nos esprits », autrement dit la Vérité au-dessus de tout. Le sceau représente donc la démarche entreprise par les théosophes pour la transformation de l’homme à travers la connaissance de la vérité.
La devise de la Société de théosophie, « il n’y a pas de religion supérieure à la vérité », fut empruntée à une famille noble de Bénares, afin de souligner la liberté de pensée des théosophes vis-à -vis des religions instituées et réaffirmer la valeur suprême de la vérité diffusée dans les enseignements.
Nous pouvons mettre en lumière trois principes essentiels qui caractérise l’enseignement de la théosophie, soit l’unité spirituelle de l’ensemble de l’humanité, la loi de causalité aussi nommée karma, et le principe d’évolution appuyé par leur conception de la réincarnation.
- L’unité spirituelle de l’humanité est au fondement de toute entreprise théosophique, et est incarnée dans leur idéal de Grande fraternité universelle, une version élargie de la Fraternité blanche dont font partie les mahâtmâs. Ce principe éthique a soutenu l’effort des théosophes dans de nombreuses luttes sociales, dont l’émancipation de l’Inde, le féminisme et l’accès à l’éducation.
- La notion de karma fut popularisée en grande partie grâce aux écrits de la tradition blavatskienne. Elle fait référence à une loi cosmique de rétribution impersonnelle (cause/effet) qui peut s’étendre sur plusieurs incarnations, et par extension une « loi de causalité éthique, qui replace sans cesse l’homme face aux conséquences de ses actes, pensées et attitudes antérieures ». Cette vision du monde a favorisé l’émergence d’un grand intérêt envers les récits de vies antérieures, qui s’est transmis par la suite au courant Nouvel-âge.
- Le principe d’évolution, quant à lui, s’applique tant à l’échelle humaine que cosmique, et fait tendre leurs natures respectives vers la perfection divine. Il constitue, selon Guénon (dans Le théosophisme, 1965 [1922]), le cœur de l’innovation proposée par la doctrine blavatskienne. Le mouvement est cyclique, mais ascendant, maintenant les acquis d’un cycle à l’autre. Appliqué à la compréhension de la vie humaine, ce principe sous-tend les multiples réincarnations des individus sur Terre. L’objectif de la vie devient alors le perfectionnement spirituel de l’homme et son dévouement au processus évolutif humain et cosmique.
Un autre des enseignements caractéristiques de la société théosophique concerne la nature septénaire de l’homme, composée de trois principes périssables et de quatre principes durables (sans nécessairement être éternels). Débutant l’énumération par le monde physique, l’homme est considéré comme composé d’un corps biologique, d’un principe vital nommé prâna ainsi que d’un double corporel éthérique, dit corps astral. Ces principes sont à la source de ce que les théosophes nomment la personnalité et se dissolvent à la mort de l’individu. Les principes plus subtils composant « l’individualité » de chaque homme correspondent à l’âme animale (karma roupa) et un trio de principes composant un corps « causal » : le corps mental (manas), le corps spirituel (bouddhi) et l’Esprit impersonnel (Atma).
La mort est ainsi conçue comme la dissolution plus ou moins rapide du double éthérique, coupant ainsi l’alimentation du corps physique en énergie vitale. Le kama rupa se dissocie alors de ses principes périssables, et subsiste quelque temps dans un univers subtil correspondant au « purgatoire » (kama loka). C’est à ce type d’entités individualisées qu’ont affaire les médiums dans le cadre des phénomènes spirites. Le kama roupa possède néanmoins une durée de vie limitée et finit également par se dissoudre pour ne laisser subsister que l’ensemble des trois corps supérieurs, qui poursuivent leurs activités en état de béatitude (devachan). La vie en état devachan est principalement conditionnée par l’énergie accumulée par le corps mental, qui profite en quelque sorte de sa libération des entraves matérielles pour poursuivre les élans amorcés lors de la vie physique. Ce type de vie peut être comparé à un rêve où l’être trouve à assouvir ses plus hautes aspirations.
Il existe de nombreux autres enseignements théosophiques qui ont mis en lumière des concepts issus des traditions orientales et qui font désormais partie des croyances populaires en Occident, tels l’akasha, les chakras, l’aura, etc. Il cependant est important de considérer, lorsque l’on s’attarde aux interprétations théosophiques de ces concepts, aux différences qui peuvent subsister entre les écrits de Blavatsky et ceux des générations ultérieures.
Toutes les associations théosophiques relevant d’Adyar, de la plus petite loge aux grands centres internationaux, rassemblent des individus sur la seule base du triple objectif de la société et du principe de la liberté de pensée. Il n’existe donc pas d’éthique propre à la Société théosophique. Ceci dit, plusieurs auteurs de la S.T. ont développé une morale basée sur les grands trois principes de la Société, incluant entre autres des idéaux d’honnêteté, d’intégrité et d’altruisme.
L’idéal de la fraternité universelle a alimenté plusieurs actions sociales afin de lutter contre les discriminations de races, de caste, de religion, de sexe ou de classe sociale. Si aujourd’hui ces luttes nous semblent familières, il ne faut pas oublier leur aspect subversif et marginal au début du XXe siècle. De nos jours, les personnes intéressées particulièrement par la mise en pratique des enseignements théosophiques peuvent le faire de manière indépendante ou en intégrant l’Ordre théosophique de service.
Sites Web
http://www.theosophie-adyar.com
http://www.theosophique.ca
Quelques références
Faivre, Antoine. l’Ésotérisme. Paris, PUF, coll. Que sais-je, 1992.
Faivre, Antoine. « Le courant théosophique (fin XVIe-XXe siècles) : essai de périodisation » dans Politica Hermetica : les postérités de la théosophie, du théosophisme au new age, N 7, 1993.
Guénon, René. Le théosophisme : histoire d’une pseudo-religion. Paris, Éditions traditionnelles, 1965 (1922).
Harrison, Vernon G.W. « H. P. Blavatsky and the SPR. An Examination of the Hodgson Report of 1885 », Theosophical University Press, 1997. (original : « J’Accuse: An Examination of the Hodgson Report of 1885 » diffusé dans Journal of the Society for Psychical Research, vol. 53, No 803, avril 1986).
James, Marie-France. Les précurseurs de l’ère du Verseau. Montréal, Paulines & Medias-Paul, 1985.
Melton, J. Gordon. Biographical Dictionnary of American Cult and Sect Leaders, New York, Garland Publishing, 1986.
Melton, J. Gordon. New Age Encyclopedia (1st edition), Detroit, Gale Research Inc., 1990.
Melton, J. Gordon. Melton’s Encyclopedia of American Religion, 8th edition, Detroit, Gale, Cengage Learning, 2009.
Servier, Jean. Dictionnaire de l’ésotérisme, Paris, PUF, 1998.
Tillett, Gregory. « Charles Webster Leadbeater, 1854-1934: A Biographical Study », Ph.D. Thesis, The University of Sydney, Sydney, 1986.
Washington, Peter. La Saga théosophique. De Blavatsky à Krishnamurti. Chambéry, Éditions Exergue, 1999.
Notes
[1] Pour plus de renseignements concernant les usages du terme en dehors de la sphère de la Société théosophique, voir A. Faivre, « Le courant théosophique (fin XVIe-XXe siècles) : essai de périodisation » dans Politica Hermetica : les postérités de la théosophie, du théosophisme au new age, no. 7, 1993, p. 6-41.
[2] Comme le souligne René Guénon (Le théosophisme, 1965 [1922], p.19), les écrits de HPB datant de l’époque de la création de la S.T., faisaient plutôt référence à un esprit familier du nom de John King, déjà connu dans le milieu spirite de l’époque. Ce n’est que plus tard que le discours théosophique se construira autour des mahâtmâs (voir note 5).
[3] Le terme mahâtmâ signifie littéralement « grand être » ou « grand esprit » en sanskrit. Il réfère, dans la tradition de la théosophie moderne, aux maîtres de sagesse membre de la Fraternité Blanche, mentors spirituels de la S.T., parfois appelés les « initiés » en raison du haut degré initiatique auquel ils seraient parvenus. Les plus hauts représentants de la S.T., dans cette hiérarchie, étaient perçus au mieux comme des chelas (terme dérivé du sanskrit), des disciples de ces mahâtmas.
[4] La précipitation est un procédé spirite prétendant faire apparaître de l’encre sur une feuille de papier vierge, permettant entre autres d’authentifier la calligraphie du défunt. Les accusateurs de HPB mirent beaucoup d’efforts afin de discerner les calligraphies respectives des maîtres et des dirigeants de la S.T.
[5] La section ésotérique de Londres représentait, en termes d’influence, la seconde tête dirigeante de la S.T.
[6] Maitreya est le nom du boddhisattva destiné à devenir le prochain Bouddha à la fin du Dharma de Sakyamuni. Dans le cadre de la S.T., le récit messianique du christ Jésus fut amalgamé avec celui de Maitreya.
[7] Le nom fait référence à l’étoile la plus brillante de la constellation des Pléiades. Le jeune frère de Krishnamurti se faisait appeler Mizar, nom arabe de l’étoile double contenue dans la constellation de la Grande ourse.
[8] Ballard peut être considéré à la source de la lignée des mouvements I AM, qui a diffusé largement une interprétation particulière de la Fraternité Blanche via l’enseignement des « Maîtres ascensionnés ».
[9] Le mouvement nouvel-âge et les mouvements I AM en particulier en ont fait des maîtres ascensionnés, canalisés sans aucune régulation par des individus disparates.