Janmâshtamî, ou fête de la naissance du dieu hindou Krishna

André Couture, Université Laval, 18 août 2021

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Résumé : La Janmâshtamî est l’anniversaire de la naissance du dieu hindou Krishna, une des plus célèbres manifestations du grand dieu Vishnou. Cette fête se célèbre pendant le mois d’août ou de septembre du calendrier grégorien.

Janmâshtamî ou Krishnajanmâshtamî (composé de Kṛṣṇa/Krishna + janma, naissance de Krishna, et de aṣṭamī/ashtamî, huitième jour) est l’anniversaire de la naissance du dieu hindou Krishna, une des plus célèbres manifestations du grand dieu Viṣṇu/Vishnou. Cette fête se célèbre effectivement le huitième jour (aṣṭamī) de la quinzaine sombre du mois lunaire de bhādrapada (ou bhādoṁ, en hindi), un mois du calendrier lunisolaire indien qui chevauche ceux d’août et septembre du calendrier grégorien. Étant donné les variations normales à l’intérieur du calendrier hindou, la célébration a eu lieu les 11-12 août 2020, se célèbre cette année les 29-30 août, et se célèbrera les 18-19 août 2022 et les 6-7 septembre 2023. On appelle aussi tout simplement cette fête Janmâshtamî (huitième de la naissance), ou Shrî-krishna-jayantî (anniversaire de Shrî Krishna, shrî étant un titre honorifique).

D’après la tradition hindoue, Krishna serait né à minuit, le huitième jour de la quinzaine sombre du mois de bhādrapada en 3238 avant J.C., soit à la fin de l’ère cosmique précédente (le dvâpara-yuga). Ce serait donc actuellement son 5248e anniversaire. Krishna est un dieu important dans l’hindouisme. Il est l’aspect sous lequel se présente dans le monde le grand Vishnou, une divinité censée intervenir chaque fois que l’ordre défaille et que le désordre s’élève. « Pour la protection des bons et la destruction des méchants, pour rétablir l’ordre, d’âge en âge, je viens à l’existence », précise Krishna dans la Bhagavad-Gîtâ (4,8), un discours qu’il a lui-même adressé au guerrier Arjuna qui voulait abandonner son devoir de guerrier et s’enfuir du champ de bataille lors de la grande guerre du Mahâbhârata.

Le monde à l’époque où Krishna est né allait de plus en plus mal : l’époque qu’on appelle le kali-yuga était imminente. Les gens avaient tendance à ne plus observer les règles édictées par les brahmanes. La terre se sentait écrasée sous le poids des armées de guerriers qui la harcelaient de toutes parts. Elle était même allée, dit-on, se plaindre au dieu créateur Brahmâ qui l’avait immédiatement référée à Vishnou. Celui-ci lui avait promis d’intervenir en sa faveur en inventant un moyen de faire se massacrer tous ces rois en une grande guerre qu’il est convenu d’appeler le Mahâbhârata, la grande guerre des descendants de Bharata. Mais dans un premier temps, il fallait que Vishnou intervienne à Mathura. Comble de malheur, il régnait alors à Mathura, une ville du nord de l’Inde, un méchant roi du nom de Kamsa dont il fallait dans un premier temps débarrasser la terre pour que Vishnou puisse vraiment intervenir en faveur des humains.

Vishnou avait en effet planifié de naître à Mathura d’un père portant le nom de Vasudeva et d’une mère appelée Devakî. Pensant pouvoir empêcher la venue de ce grand dieu, le roi Kamsa avait massacré dès leur naissance leurs six premiers fils. Un septième fils avait étrangement avorté au septième mois et, grâce à une intervention spéciale d’une grande déesse qui l’appuie dans toutes ses interventions, il avait poursuivi sa croissance dans le sein de la première épouse de Vasudeva qui vivait alors dans un campement de bouviers. C’est ainsi que naîtra Samkarshana, souvent nommé Balaràma, le frère aîné de Krishna. Puis, Devakî concevra un huitième enfant. Dès sa naissance, par précaution, son père Vasudeva le transporte en ce même campement de bouviers et le dépose aux pieds d’une bouvière du nom de Yashodâ qui venait de donner naissance à une petite fille. Il s’agit du petit Krishna ainsi sauvé des griffes du méchant roi Kamsa qui voulait aussi se débarrasser de ce dernier enfant, comme il l’avait déjà fait des six premiers garçons de cette femme. Mais Vasudeva avait rapporté avec lui la petite fille qui venait de naître de Yashodâ et l’avait habilement déposée auprès de la malheureuse mère. C’est cette petite que ces parents désespérés présentèrent au roi Kamsa. En fait, aussitôt frappée contre une pierre par le cruel roi, cette petite fille se métamorphose en une grande déesse qui surgit devant le roi et s’écrie : « Kamsa, Kamsa, c’est pour ta propre perte que tu as voulu me tuer, que tu m’as soudain soulevée dans les airs et que tu m’as projetée contre la pierre ! Pour cette raison, au moment de ta mort, quand tu seras traîné au sol par ton adversaire, j’ouvrirai ton corps de mes mains et je boirai ton sang encore chaud ! » Effectivement, dix ans plus tard, après avoir multiplié les prodiges dans la station forestière où il demeurait en compagnie de son aîné, Krishna parvient à tuer le roi Kamsa sur l’arène où il était en train de se battre contre des lutteurs, et cela sans aucun doute avec l’aide secrète de cette mystérieuse grande déesse. Ce que l’on célèbre en ces jours de fête, c’est donc le jour de triomphe (jayantî) que constitue pour Krishna le fait d’avoir réussi à naître en ce monde des humains et d’être finalement parvenu à vaincre ce roi pernicieux.

La célébration commence par une journée de jeûne (pendant laquelle le plus souvent un seul repas de fruits est permis), censée évoquer la douleur des parents alors prisonniers du roi Kamsa, qui s’achève à minuit avec la commémoration de la naissance de Krishna. Les dévots de Krishna célèbrent cette fête en grande pompe. Ils s’y préparent pendant plusieurs semaines. Comme il s’agit d’une histoire complexe, qui est devenue encore plus merveilleuse au fil des siècles, on a depuis longtemps pris l’habitude de l’illustrer par des tableaux de toutes sortes, également par des représentations théâtrales. Il arrive même que l’on fasse venir pour l’occasion des chanteurs qui exécutent des chants de dévotion (bhajan). Dans certains milieux, des troupes de théâtre donnent des représentations de la râslîlâ, les jeux de danse de Krishna avec les bouvières qui ont eu lieu au cours de l’enfance.

Dans la soirée, la famille se réunit dans la pièce où se trouvent les images de Krishna et diverses décorations inventées pour la circonstance. On chante des bhajan en l’honneur de Krishna, accompagnés dans la mesure du possible aux instruments de musique. À cette occasion, on encourage en particulier les enfants à manifester leurs talents. À minuit, on vénère l’image de façon particulière et on répand sur elle des fleurs. On se lève finalement pour l’âratî, un rituel qui consiste à faire tourner une flamme dans le sens des aiguilles d’une montre devant l’image de la divinité, c’est-à-dire à répandre sur elle de la lumière. On offre alors à Krishna les mets qu’il raffole, des sucreries de toutes sortes préparées par les femmes. Ces offrandes sont alors retournées aux participants sous forme de prasâd (grâce du dieu) et consommées par eux avec délices. Dans certains milieux, il arrive que l’on reprenne à cette occasion des rites qui accompagnent normalement la naissance d’un fils. C’est seulement après ces divers rites que l’on peut prendre le repas de fête. On notera que c’est dans ce qu’on appelle maintenant le pays de Braj, dans des villages ou villes modernes comme Gokul et Brindaban, qui ont été « redécouverts » au cours du XVIe siècle par de grands maîtres non loin de la ville de Mathura, que l’on célèbre ces festivités avec le plus de ferveur.


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