Lady Gaga pourrait célébrer votre mariage !

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Force est de constater que l’arrivée d’Internet dans le domaine du religieux fait couler beaucoup d’encre. Nous avons récemment traité de l’influence négative de la Toile sur l’assiduité des fidèles, de l’émergence de croyances nouvelles en lien avec les nouvelles technologies, également de prêtres bouddhistes que l’on pouvait commander sur le web. De quoi en déstabiliser plus d’un ! Si vous pensiez que l’innovation avait atteint son sommet, vous vous trompiez. Croiriez-vous que l’ordination en ligne soit aussi une industrie florissante ?

La cérémonie du mariage est un rite de passage que l’on retrouve dans presque toutes les civilisations. La tradition occidentale voulant que cette union doive être entérinée légalement est fortement ancrée dans notre culture, et peu de gens la remettent en question. Sans une présence physique devant un représentant officiel de l’État et la signature de documents en présence de témoins, vous ne pouvez être considérés comme mariés aux yeux de la société. Le mariage peut aussi être célébré par des ministres du culte habilités à le faire par la société religieuse à laquelle ils appartiennent, pourvu que les rites et les cérémonies de leur confession aient un caractère permanent, que ces officiants célèbrent les mariages dans des lieux conformes à ces rites et aux règles prescrites par le ministre de la Justice, et qu’ils aient reçu l’autorisation de celui-ci.

À l’heure où la société se sécularise, on constate une hausse correspondante des mariages civils. Le site de mariage teknot.com signalait qu’en 2009-2010, le tiers des mariés ayant répondu à un questionnaire destiné à vérifier leur satisfaction avaient eu comme célébrant un ami ou un membre de la famille. Pourquoi chercher un officiant accrédité, alors que les greffiers de la Cour et les maires peuvent célébrer l’union de deux individus en dehors de tout contexte religieux ? Et si l’on souhaitait ainsi évacuer la religion tout en gardant une certaine spiritualité ?

« Devenez prêtre pour 5 $ », titre un site internet ! Les services en ligne permettent notamment à des groupes religieux comme les mouvements ésotériques ou New Age d’ordonner sur le web des ministres du culte sous différents titres professionnels allant de guérisseur à prêtre en passant par chaman et chapelain interconfessionnel. Le judaïsme ne fait pas exception à la règle : les rabbins ordonnés par une institution non traditionnelle semblent se multiplier. En janvier 2015, dans le cadre d’une recherche sur le sujet, un chercheur de l’Université d’Afrique du Sud recensait déjà trente-six sites internet d’ordination.

Si certains sites octroient l’ordination sans aucun prérequis, d’autres exigent des personnes ordonnées l’observance d’un certain code éthique et légal. La question du mariage entre individus de même sexe, qui a favorisé l’émergence du mouvement d’ordination en ligne, demeure une question délicate. Certaines organisations sont d’ailleurs nées du désir d’officialiser les mariages homosexuels, alors que d’autres rejettent toujours l’idée. On peut ajouter que de nombreuses vedettes ont fait appel aux services d’ordination en ligne : c’est le cas, entre autres, de Lady Gaga et de Paul Newman. L’idée de figurer parmi des célébrités au palmarès des ministres d’un jour peut sans doute avoir quelque chose de fascinant !

Plusieurs personnes ont même créé leur propre société religieuse afin de pouvoir célébrer des mariages. Au nom de la liberté, certains militent pour que les citoyens qui le désirent puissent se marier selon leur foi individuelle, c’est-à-dire sans être rattachés à une Église quelconque. Notons toutefois que, pour que ces mariages soient reconnus, le célébrant doit s’associer à un notaire, encore seul capable de produire les documents officiels requis. Pour montrer qu’il est plus facile de fonder une société religieuse que de devenir une célébrante laïque, une dame de la région de Québec s’est fait ordonner ministre du Culte de l’Église évangélique chrétienne de Lorraine, alors qu’elle célébrait les mariages sous un nom d’entreprise. Cette même personne est même célébrante de l’Église du Monstre du Spaghetti volant, un geste symbolique certes, cette religion n’ayant pas le pouvoir de célébrer au Québec.

L’ordination en ligne devient ainsi un autre phénomène qui remet en question la théorie de la sécularisation selon laquelle le religieux serait appelé à disparaître des sociétés modernes. Les individus semblent avoir encore besoin de références religieuses ou spirituelles dans les moments importants de leurs vies. C’est pourquoi nous assistons actuellement à l’émergence de rituels personnalisés pour souligner la naissance, l’engagement mutuel ou la mort. Une des raisons pouvant expliquer un tel engouement serait que ces rites sur mesure seraient en parfaite résonnance avec une société de consommation qui ajuste ses produits à la demande. Ces sites d’ordination en ligne utilisent les stratégies de marketing les plus récentes pour concurrencer les religions établies, et leur succès est impressionnant. La simplicité du processus semble accroître sa popularité. Attention, vous êtes à un clic d’être sur le marché virtuel des ministres ordonnés !

Pour en savoir plus :

  • Cimino, Richard, « Online ordinations put to unconventional spiritual uses », Religion Watch, February 2015 (Vol. 30, No. 4), p. 4-5, http://www.rwarchives.com/issues/february-2015/, consulté le 27 mars 2017.
  • Clasquin-Johnson, Michel, « Minister for a Day—Online Ordination and the place of religion in the 21st century », Journal for the Study of Religions and Ideologies, vol. 15, issue 45 (Winter 2016) : 179-206.

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