Apocalypse « Miaou » !

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Plusieurs religions parlent d’une ère nouvelle, marquée par la venue d’un personnage exceptionnel. Les bouddhistes croient que l’actuel bodhisattva Maitreya deviendra le cinquième et dernier Bouddha de notre cycle cosmique (kalpa). Lorsqu’il apparaîtra dans la ville de Bénarès après une période de chaos, les hommes vivront en paix et extrêmement longtemps. Selon une majorité de musulmans chiites, le douzième imâm, celui qu’on appelle le Mahdi, aurait disparu en 939, et est attendu en tant qu’ultime successeur du Prophète. Certains chrétiens ne font pas qu’attendre le retour du Christ à la fin des temps lors de la Parousie, mais vivent dans une urgence extrême. Croiriez-vous qu’aujourd’hui même, des gens se prennent pour Jésus et prophétisent pour bientôt la fin du monde ? Ces croyances méritent quelques commentaires.

L’idée d’un monde qui doit ultimement se transformer est très ancienne. Pour les hindous, l’univers apparaît et disparaît au rythme des temps d’éveil et de sommeil du dieu suprême (quel que soit le nom qu’on lui donne : Brahman, Vishnou, Shiva). À l’intérieur de chaque cycle, il existe des périodes de dégradation progressive appelées yuga. Nous vivons aujourd’hui dans un Kali Yuga, un âge où l’ordre cosmique décline. Les Vikings croyaient aussi au Ragnarök (le crépuscule des dieux), une fin du monde marquée de cataclysmes et suivie d’une renaissance. Les juifs attendent le « jour de Yahvé », un jour de colère divine, de calamités cosmiques annonçant le retour d’un Messie qui restaurera Israël dans sa grandeur, où les morts seront ressuscités, où naîtra un monde de justice, de paix et d’abondance. Les musulmans parlent de dix signes précurseurs de la fin des temps. Ceux qui seront sauvés connaîtront les joies et les délices de la vie dans un monde paradisiaque où le cosmos et les hommes retrouveront Dieu. Plusieurs traditions religieuses prévoient donc la venue d’un sauveur qui restaurera le monde dans sa splendeur originelle. Le scénario qui nous est le plus familier est celui des chrétiens. Dans le livre de l’Apocalypse, on annonce de grandes tribulations suivies d’une période bienheureuse pendant laquelle le Christ règnera sur terre pendant mille ans. C’est d’ailleurs l’origine du mot « millénarisme ». Il y aura ensuite des guerres, un jugement final et l’instauration d’un Royaume où Dieu cohabitera avec les justes. Cette espérance d’un monde meilleur est animée par la promesse qu’a faite Jésus de revenir.

« Le garant de ces révélations l’affirme : “Oui, mon retour est proche !” Amen, viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22:20). C’est sur ce verset que s’appuient les chrétiens pour espérer le retour imminent du Christ. Cette attente a donné lieu à de multiples manifestations de messies censés répondre aux prophéties des Écritures. Il semble que l’on trouve actuellement plusieurs centaines de personnes qui revendiquent le titre de messie. Parmi les plus célèbres, il y a le russe Vissarion, fondateur et maître spirituel de l’Église du Dernier Testament. À la suite d’une révélation spirituelle survenue en mai 1990, il est convaincu d’être un nouveau Jésus. Son message comprend la réincarnation, le végétarisme et vise à empêcher la fin du monde actuel, et donc de la civilisation telle que nous la connaissons. En Zambie, Jésus de Kitwe, chauffeur de taxi marié et père de cinq enfants, proclame la fin des temps. Dieu le lui aurait révélé lorsqu’il avait 24 ans. Jésus Matayoshi prononce dans les rues de Tokyo des sermons enflammés du toit de sa fourgonnette afin de provoquer la fin des temps. Sa démarche pour instaurer la volonté de Dieu sur terre se veut démocratique. Chacun à leur façon, Moses Hlongwane d’Afrique du Sud et INRI de Brasilia, qui se déplace en trottinette électrique, n’hésitent pas à affirmer avoir reçu de Dieu une révélation concernant leur rôle de messie. En Australie, Alan John Miller déclare publiquement avoir encore de vifs souvenirs de sa crucifixion. Selon lui, ses souffrances et sa mort sur la croix n’étaient pas aussi « déchirantes » que beaucoup se l’imaginent. Il ajoute que sa partenaire, Mary Luck, est la réincarnation de Marie-Madeleine. Les observateurs qui ont rencontré ces personnages – qu’il s’agisse de ces « messies » ou de leurs disciples – n’ont toutefois pas l’impression d’être en présence de malades mentaux. Pourquoi, à répétition, l’apparition de messies qui se disent porteurs de messages pour notre époque ?

Pour le sociologue Henri Desroche (1914-1994), le messianisme véhicule une conception spécifique de l’Histoire : l’adepte qui croit en la venue d’un messie reste en même temps convaincu que la société doit changer. Ceux qui mettent leur foi en de tels messies sont comme ces spectateurs qui s’émerveillent devant un fakir effectuant le fameux tour de la corde magique. En rêvant d’un monde différent, et parfois en l’anticipant, c’est comme si les humains lançaient en l’air une corde qui devrait normalement retomber, mais reste mystérieusement accrochée quelque part. La corde résiste, soutenant même le poids du fakir qui y grimpe. Et Desroche de conclure : « L’espérance est une corde ». C’est comme si les humains renouvelaient en permanence le miracle de la corde pour traverser les tribulations de l’histoire et vaincre la pesanteur des systèmes de domination.

Vous vous demandez quel est le lien entre le titre de ce texte et ce que vous avez lu jusqu’ici. C’est que, parmi ces nouveaux messies, vit au Tennessee la pasteur Sheryl Ruthven, qui dit être le Christ. Ses disciples lui embrassent les pieds et boivent son sang mélangé au vin de communion. La pasteur Sheryl pense que les chats errants sont des anges déguisés et demande à ses ouailles de tout faire pour les sauver. À la fin des temps, ces chats se transformeront en anges, croit-elle, et épargneront des souffrances aux membres de son Église. Faudrait alors songer avec Bob Smietana à un nouveau film qui pourrait s’intituler « Apocalypse ‟Miaou” »?…

Pour en savoir davantage :

Apocalypse miaou

 

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